Montagnards ?

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4 cartes postales
 
   Les populations dont nous avons sélectionné les images occupent une zone qui se trouve au sud d'une ligne allant de Savannaket (au Laos) à Quang-Tri (au Viêt-Nam). Cette zone ne rassemble pas bien sûr la totalité des "montagnards" ou ethnies dites "minoritaires" des Cambodge, Laos et Viêt-Nam.
   Nous avons restreint notre propos aux groupes humains principalement distingués par les spécialistes par des caractéristiques linguistiques : les Austronésiens (aux langues dites "malayo-polynésiennes") et les Austro-asiatiques (aux langues dites "Mon-khmères"). On trouve également des Austro-asiatiques au nord de la ligne Quang-Tri - Savannaket, mais ils sont englobés dans les ensembles ethniques plus importants des groupes Taï-Kadai, Miao-Yao ou Tibéto-birmans, ce qui n'est pas sans influences sur leur mode de vie. Ces groupes ne sont pas seulement unis par leurs caractéristiques linguistiques, mais également par d'importants traits culturels : leurs organisations lignagères, un mode de vie en symbiose avec la forêt autrefois basé majoritairement sur l'essartage itinérant et une vie spirituelle caractérisée par un animisme généralisé où les innombrables génies "yang" peuplant l'univers sensible se voyaient sacrifier des animaux, particulièrement des buffles lors de rituels spectaculaires.
   Pour plus de précisions sur la nature ou la localisation de ces groupes très variés (dont les principaux sont nommés - selon la graphie vietnamienne actuelle - Hre, Gia-Rai, E-de, Ba-Na, Co-Ho, Ma, etc.) et arbitrairement rassemblés ici, comme dans la plupart des textes les concernant, nous vous renvoyons à la littérature ethnographique rencensée dans notre bibliographie ainsi qu'à des cartes ethno-linguistiques disponibles sur Internet, telle celle de l'Université du Texas.
   "Montagnards" : cette dénomination collective n'est pas la première sous laquelle ces populations fort diverses ont été rassemblées et connues ; c'est leurs voisins immédiats - les Vietnamiens - qui les ont tout d'abord fait connaître sous le vocable péjoratif "Moï". Les occidentaux, et surtout les colonisateurs

 

français ont repris ce mot auquel ils ont parfois substitué sa traduction : "sauvages" 1.
   C'est après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, lors de la tentative française de constitution des hauts-plateaux en entité politique indépendante (les P.M.S.I. "Pays Montagnards du Sud-Indochinois") dans l'espoir de contrer les menées toujours plus fortes des nationalistes vietnamiens, que le mot "Montagnard" remplaça généralement le "Moï", au moins dans la littérature officielle coloniale française.
   Cette tentative amena une élite locale (principalement issue du groupe E-dé/Radhé suite à l'éducation basée sur le modèle français reçue depuis les années 20 du XXe siècle autour de Ban-Me Thuot) à des postes de responsabilité. Cette élite adopta cette dénomination générique dans l'espoir de fonder une association politique de sociétés traditionnellement sans structures politiques dépassant le niveau du village ou groupe de villages et fréquemment en conflit les unes avec les autres.
   La guerre du Viêt-Nam impliqua les hauts-plateaux et leurs populations avec une furie destructrice qui constitua un véritable désastre pour les cultures traditionnelles qui les occupaient. Elle amena une quasi-annihilation par toutes les parties en présence des leaders politiques "non-alignés". Certains rescapés de cette tragédie, une fois réfugiés aux Etats-Unis d'Amérique, reprirent ce terme, populaire chez une partie des acteurs américains du conflit, pour nommer leurs associations : "Montagnard Foundation", "Montagnard Human Rights Organization" et même leurs sites web : Montagnard Human Rights Organization 2.
   Ils ont depuis forgé un autre englobant générique qu'ils essaient de populariser : "Degar" 3, Nous avons néanmoins repris, comme un pis-aller, l'appelation "Montagnards" parce qu'elle est la plus connue internationalement et qu'elle nous semble en adéquation, tant avec la principale période historique couverte par nous, qu'avec la provenance nationale des auteurs qui constituent la majorité de nos fonds.

 
1 - Le terme français "sauvage" est cependant fortement équivoque, comme le montrent les oeuvres de Montaigne et Rousseau.
2 - Ceci contre l'opinion de certains de leurs amis américains qui essaient d'impulser l'idée que "Montagnard", issu du "honteux" passé colonial français, est un terme finalement péjoratif (ce que toute l'histoire de France récuse, bien sûr).
3 - Degar ou Dega: voir http://www.degarfoundation.org/about-degar.html.
Jean-Pierre Chazal - Tous droits réservés 2010-2015